Scène 1 - LE JOUEUR
le Corbeau
Et que s'est-il passé, ensuite ?
Greffier ? Qu'est-ce que c'est ?
le Greffier
Une sorte d'hurluberlu qui dit jouer avec le feu, Monsieur le Président.
le Corbeau
Qu'il entre ! ...Monsieur ?
le joueur
TRENTE ET QUARANTE, pour vous servir...
le Corbeau
Mais, qu'est-ce que c'est que ce bruit ?
le joueur
J'apporte mon bruit avec moi, Monsieur. Il ne me quitte pas !
le Corbeau
[Alors] vous témoignez pour la Nuit ?
le joueur
C'te bonne blague ! Bien sûr... La Nuit, c'est ma raison... ma folie de vivre !
le Corbeau
Je vous dispense de faire des remarques sur votre psychologie. Dîtes ce que vous avez à dire, Monsieur !
le joueur
Je sais tout, je vois tout, la Nuit, dans le fond de mon coeur, dans la panique qui me précise et m'exaspère aussi, devant le hasard et ses conditions incalculables... Ce n'est que la nuit que je me force à être conscient de mes problèmes de joueur... Je joue pour jouer, je joue la Nuit parce que la Nuit ne me regarde pas, parce qu'elle s'en fout, parce qu'elle m'encourage à [la]vaincre, comme une femme, et, des fois, je suis tout prêt à la cerner et lui dire : "Dis, la Nuit, qu'est ce que c'est que le jour, dis ? Quand l'aube va venir, comme ça, parce que c'est l'usage, quand je vais rentrer, moi, dans le jour pointant et vers mes problèmes de perdant, toujours. Dis-donc, toi, la Nuit, TU N'ES PAS, TU N'ES QUE L'IDEE QUE L'ON SE FAIT DE TOI ! HEIN ? PEUT-ÊTRE UNE FEMME SEULE ? PEUT-ÊTRE...
La Nuit, Président, c'est pour moi une fonction algébrique. Les savants le savent bien qui ont besoin de sa présence pour éjecter leurs sortilèges... S'ils étaient joueurs, les savants, Président, alors... alors...
le Corbeau
Voulez-vous me sortir cet étrange type, huissier ! Vraiment, des fois, l'intelligence est innocente... Allez !
Scène 2 - L'ALLUMEUSE
le Corbeau
Et après ?
le Greffier
"La Nuit, se faisant passer pour la Nuit...
le Coq
Méditez, je vous prie... La Nuit PREMEDITEE !
le Hibou
Une idée comme une autre !
le Coq
Une idée qui s'habille, qui se cache, qui s'insinue, qui vous pénètre... C'est très grave une a b s t r a c t i o n qui se concrétise !